Les bonnes pratiques autour du vêlage
La prise du colostrum est, bien sûr, essentielle mais une multitude de petits gestes allant de la gestion des taries à l’hygiène de la pouponnière sont indispensables à la santé du veau. Diminuer la mortalité passe par ces exigences parfois contraignantes.
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Les cas de mortalité dans les premières quarante-huit heures de vie du jeune veau représentent jusqu’à 75 % de la mortalité entre 0 et 1 mois. En cause : principalement de mauvaises pratiques de l’éleveur au niveau de l’hygiène, de l’alimentation ou des soins.
Tout commence avec les taries
Une mauvaise conduite du tarissement va directement avoir un impact sur la vitalité du veau naissant, sa capacité à absorber les immunoglobulines et la qualité du colostrum. Le docteur vétérinaire Gilbert Laumonnier, spécialiste de la santé du veau, pointe surtout le déficit en azote des rations de vaches taries. « Avec de l’ensilage maïs, la couverture énergétique est, en général, assurée mais beaucoup d’éleveurs oublient l’apport de tourteaux (au moins 800 g/jour en début de période sèche et 1,2 kg/jour à la fin) ou surestiment la valeur azotée de l’ensilage d’herbe associé au maïs. Il s’ensuit des vaches grasses et un colostrum moins riche en anticorps. » La complémentation en minéraux, vitamines et oligo-éléments est aussi indispensable (sélénium, cuivre, iode, vitamines A et E). Un minéral spécial vache tarie (150-200 g/j) couvrira ces besoins. Rappelons que vitamines et oligo- éléments passent la barrière placentaire et améliorent directement la vitalité du veau.
Attention aux primipares en préparation
La vaccination des mères en fin de gestation (une ou deux injections selon le protocole) permet de stimuler la production d’anticorps spécifiques qui se retrouveront dans le colostrum pour protéger le veau. « La vaccination ayant un coût, la préconisation est de vacciner dans les élevages qui ont connu des problèmes, identifiés par des analyses de laboratoire. La vaccination améliore l’immunité mais ne résout pas tous les problèmes. Elle est d’autant plus efficace qu’elle est commencée en début de saison de vêlages », explique Gilbert Laumonnier. La gestion des primipares avant le vêlage a aussi une influence sur la santé de leurs veaux. Les grands troupeaux peuvent se permettre de constituer un lot séparé de génisses en préparation. Quand ce n’est matériellement pas possible, le conseil est de les introduire dans le lot des vaches en préparation environ deux mois avant le vêlage pour leur donner le temps de « s’acclimater » aux vaches adultes. « Introduire des génisses dans un lot de taries quelques jours avant le vêlage peut conduire à des résultats catastrophiques. »
Le vêlage, première porte d’entrée des germes
Disposer d’un box de vêlage, strictement réservé à cet usage (il ne doit pas servir d’infirmerie, ni de local à quarantaine) est une première précaution. Son emplacement ne doit pas être isolé du reste du troupeau afin d’éviter un stress de l’animal qui doit pouvoir garder un contact visuel avec ses congénères. Pour autant, il ne doit pas être souillé par les déjections du troupeau. De dimension suffisante (minimum 5 m x 5 m), il est abondamment paillé, curé après chaque vêlage et désinfecté régulièrement. Le box doit disposer d’un point d’eau, d’un équipement de contention et on peut y distribuer la ration des vaches en lactation.
Les mesures d’hygiène autour du vêlage restent trop souvent négligées. C’est pourtant la première porte d’entrée de tous les germes fécaux pathogènes pour le veau, auxquels s’ajoutent des risques de métrites et de non-délivrances pour la vache. L’une des premières précautions est de nettoyer la vulve avec de l’eau et du savon et de la sécher, d’utiliser des gants et un gel lubrifiant (pas de savon) pour éventuellement fouiller la vache. Le matériel ayant servi au vêlage doit être impérativement nettoyé, désinfecté et rangé à l’abri des salissures.
La désinfection du nombril : pas n’importe comment
Isoler le plus rapidement le nouveau-né de sa mère est une précaution importante pour les élevages qui connaissent des problèmes récurrents de diarrhées ou de maladies respiratoires. Cela impose à l’éleveur de sécher le veau naissant et, en hiver, de le réchauffer quelques heures ou de disposer d’une couverture isolante ad hoc. De manière générale, le veau naissant ne devrait pas être exposé à des températures basses (moins de 12°C) pendant les premières vingt-quatre heures. Si les conditions sanitaires de l’élevage sont bonnes, laisser le veau quelques instants avec sa mère facilite la délivrance de la vache (effet de l’ocytocine).
Dernière précaution : aussitôt après le vêlage, désinfecter le nombril. « On le fait avec des gants pour ne pas le souiller, en prenant soin au préalable d’avoir vidé le sang résiduel dans le cordon ombilical. Il faut ensuite tremper le nombril dans une solution désinfectante sans en introduire dans le cordon », rappelle Gilbert Laumonnier.
Surtout ne pas se rater avec le colostrum
Tous les éleveurs connaissent l’importance du colostrum : il assure l’apport des anticorps de la mère. C’est un aliment très énergétique (deux fois plus que le lait) et laxatif permettant l’élimination indispensable du méconium (déjection intra-utérine du fœtus). Nous insistons ici sur les règles essentielles à la bonne gestion de ce colostrum. Laisser le veau téter après la naissance n’est pas une solution sûre car l’éleveur ne peut pas contrôler la quantité de colostrum ingérée. Rappelons que le minimum est de quatre litres dans les douze premières heures qui suivent le vêlage. L’idéal est donc de traire la vache, en ayant pris soin au préalable de nettoyer les trayons, et de distribuer aussitôt ces indispensables 4 litres. « Le plus tôt après le vêlage est toujours le mieux et il n’y a aucun risque à donner ce volume de colostrum en une seule prise au veau naissant par drenchage. Il suffit de ne pas dépasser le cardia (entrée de l’estomac) avec la sonde. Un repère de couleur permet de ne pas l’introduire trop loin. Il faut également bloquer la sonde sur le palais pour éviter les fausses déglutitions. La distribution du colostrum au seau est possible en deux fois, mais attention aux veaux “fatigués”après la naissance qui ne boivent pas suffisamment », prévient Gilbert Laumonnier.
Outre la quantité distribuée, l’éleveur doit s’assurer de la qualité du colostrum. Sa concentration en immunoglobuline (IgG) ne doit pas être inférieure à 50 g/litre et l’idéal est de se situer au-dessus de 65 g/l. « En cas de problèmes sanitaires récurrents, il faut faire un contrôle systématique pour chaque vache. » L’outil le plus fiable pour mesurer la concentration en IgG est le réfractomètre (optique ou numérique) avec une valeur exprimée en Brix (22 % correspondant à 50 g/l). Moins onéreux mais aussi moins précis, le pèse-colostrum a tendance à sous-évaluer la richesse en IgG. En cas de mauvais colostrum, il faut pouvoir disposer d’une banque approvisionnée avec du colostrum de bonne qualité issu de la première traite d’une vache de plus de trois lactations, sans problèmes sanitaires et qui n’a pas perdu du lait avant le vêlage. La conservation se fait par congélation dans des sachets plats de 500 ml, donc faciles à décongeler au bain-marie à moins de 50°C (surtout pas au micro-ondes). Pendant les premières vingt-quatre heures de vie, le jeune veau ne consommera que du colostrum de la première traite dont on aura conservé les excédents au frais. « Même si le colostrum de la mère est de qualité médiocre, il est judicieux d’en distribuer au moins 500 ml. Cela a un effet positif sur la santé du veau », ajoute Gilbert Laumonnier.
Une pouponnière adaptée
La niche individuelle pendant au moins quinze jours (huit semaines est la durée maximum réglementairement avant de garantir un contact visuel et tactile possible) est le meilleur logement pour le nouveau-né car il limite les risques de contamination. Cette niche, posée sur un caillebotis, peut être installée dehors à condition que le paillage soit abondant. Dans un bâtiment, il faut impérativement que la pouponnière soit séparée des vaches laitières et des autres veaux par une cloison étanche. Il faut veiller à la ventilation mais dans un volume d’air assez faible car le jeune veau produit peu de chaleur. Toutes les cases sont nettoyées et désinfectées après chaque veau. « Un vide sanitaire de la nurserie, au moins une fois par an, quand les vêlages sont rares et si possible en été, est efficace pour couper le cycle du microbisme infectieux. » Après quinze jours, les veaux peuvent être regroupés dans une cage collective avec des lots ne dépassant pas cinq à huit animaux.
Dominique GrémyPour accéder à l'ensembles nos offres :